Les enjeux montréalais de l’eau potable

Les enjeux montréalais de l’eau potable
Chaque été nos patrouilleurs et nos patrouilleuses parcourent les rues de Montréal-Nord dans le but de sensibiliser la population à la réduction du gaspillage de l’eau potable. Ces actions de sensibilisation sont cruciales pour la protection de l’environnement. En effet, les populations montréalaise et québécoise sont parmi les plus grandes consommatrices d’eau potable au monde ! Pourtant, un grand nombre d’idées préconçues circulent et restent fortement ancrées chez nos concitoyens et nos concitoyennes – ressource plus qu’abondante, gratuité apparente, faible impact écologique de la consommation, etc. Cet article vise à dresser un portrait de la situation sur l’eau potable et son usage à Montréal. 
La consommation d’eau potable en chiffres

Commençons par dresser un portrait de la situation sur l’île de Montréal. La majorité de la production et du début de la chaîne d’approvisionnement de l’eau potable à Montréal est concentrée à deux usines de traitement, soit les usines d’Atwater et Des Baillets. La carte ci-dessous nous donne un aperçu de la couverture en eau potable sur l’île de Montréal.

Les usines de l’ouest de l’île ont des capacités plus limitées et ne servent qu’à alimenter les villes-liées et les anciennes villes-liées aujourd’hui devenues des arrondissements de la Ville de Montréal. Les deux usines principales d’Atwater et Des Baillets approvisionnent donc tout le centre et tout l’est de Montréal en eau potable.

La production totale d’eau potable pour l’agglomération de Montréal (l’île au complet) est gigantesque. En 2017, c’était 567 millions de mètres cubes annuellement qui étaient produits pour une consommation journalière par personne de 767 litres. Sauf que des chiffres sans les comparer ne permettent pas de bien comprendre une situation. Alors, regardons du côté de la consommation canadienne en eau potable. Au Québec, la consommation par personne par jour est déjà beaucoup plus faible à 573 litres (2015), mais si l’on regarde la moyenne ontarienne l’écart se creuse drastiquement à 370 litres par personne par jour (2015) ! Si l’on regarde la moyenne d’un autre pays développé que l’on connaît bien, la France, l’écart se creuse et il devient presque gênant : environ 140 litres par personne par jour actuellement. 

Les mesures pour réduire cet écart dans les deux dernières décennies

Plusieurs facteurs expliquent que nous soyons de si grands consommateurs d’eau. La plupart d’entre eux sont des facteurs sur lesquels nous pouvons avoir un certain contrôle. Cette moyenne que nous avons présentée de 767 litres par personne par jour comprend la consommation du secteur résidentiel, mais aussi des secteurs industriel, commercial et institutionnel. De plus, cette consommation d’eau inclut les pertes dans les conduites d’eau, qui est un problème important dans notre réseau montréalais vieillissant. Certains usages non mesurés comme les bornes d’incendie, les purges du réseau et les usages sur les chantiers ont aussi un certain impact sur cette consommation en eau potable. Il en coûte 100$ par année par habitant actuellement pour produire annuellement notre eau potable. C’est près de moitié moins en comparaison d’autres grandes villes nord-américaines. C’est probablement en partie à cause de ses coûts relativement faibles que la lutte aux gaspillages et aux pertes a été si tardive.

L’un des problèmes les plus importants est bien sûr lié à l’état des conduites d’eau. Les conduites de Montréal sont constituées de différents matériaux, d’un nombre important de conduites datant du début du siècle dernier et parfois la Ville doit trouver des moyens de prolonger la vie des conduites d’eau. Un sous-investissement dans l’entretien et le remplacement des conduites d’eau à Montréal dans les dernières décennies cause aujourd’hui un réel fardeau et un casse-tête pour le Service de l’eau de la Ville. L’état des conduites d’eau est déficient et explique en partie la réputation de Montréal pour ses cônes orange. C’est le taux de fuite du réseau d’aqueduc qui nous permet de rendre compte de cet état du réseau. Si le taux de fuite était de 40% en 2001, il se situait à 31 % en 2017. Une amélioration importante, mais encore loin des 20% qui étaient visés pour 2017 (selon la cible de Québec), d’où une continuation des efforts de la Ville en la matière.

Un autre plan d’attaque de la Ville visant la diminution de la consommation d’eau a été de s’attaquer aux systèmes de réfrigération sans boucle de recirculation commerciale. Ces systèmes pouvaient utiliser de 3000 à 10 000 litres d’eau par jour pour simplement refroidir sur les étals réfrigérés votre boisson préférée ! Depuis 2018, ces systèmes sont interdits par la Ville de Montréal et leur usage est passible d’une amende plutôt salée. L’eau doit être réutilisée dans ces appareils au lieu d’être rejetée aux égouts après un seul passage : une économie importante en eau potable.

Du côté des particuliers, plus précisément du secteur résidentiel, le Service de l’eau avec le Regroupement des Éco-quartiers a lancé la patrouille bleue il y a quelques années. La patrouille bleue, présente dans de nombreux arrondissements, circule dans les rues et rencontre les citoyens et les citoyennes afin de les sensibiliser à la réglementation sur l’eau potable. En effet, la réglementation sur l’eau prévoit des horaires pour les arrosages de jardin, l’interdiction de nettoyer les surfaces pavées avec un boyau d’arrosage et encadre les remplissages des piscines (contenant des milliers de litres d’eau chacune).

La patrouille bleue et les éco-quartiers offrent aussi un éventail de conseils pour économiser l’eau potable chez les résidents. Une bonne partie des gaspillages en eau potable sur le réseau peut être limitée chez soi. Utiliser une pomme de douche avec un débit réduit et l’installation de toilettes à débit réduit sont de bonnes initiatives pour la salle de bain. Dans la cuisine, on peut faire attention à n’utiliser le lave-vaisselle qu’une fois rempli ou utiliser des bacs de remplissage pour faire la vaisselle manuellement. Dans le jardin, on peut installer des barils de récupération de l’eau de pluie et même aménager des bassins de plantes qui consomment moins d’eau potable, tout en mettant tout aussi bien en valeur le jardin. Aussi, le nettoyage de la voiture peut être fait à l’aide d’une éponge et d’un seau d’eau, ce qui permet d’économiser des dizaines de litres d’eau facilement. Finalement, le remplissage de la piscine devra respecter la réglementation en vigueur. Les multiples backwashs (vidanges et remplissages abusifs) que certains résidents et résidentes exécutent font perdre des milliers de litres d’eau potable en été, alors que la pression sur le réseau d’aqueduc durant cette période est la plus importante. La sensibilisation des propriétaires de piscines reste donc une priorité, notamment à Montréal-Nord.

Depuis 2001, les différents efforts ont permis de diminuer de manière importante la production d’eau potable par habitant dans l’agglomération de Montréal. Même si nous accusons un retard important en matière de réduction du gaspillage de l’eau potable, le tableau suivant montre bien l’impact réel que peuvent avoir les différentes mesures de réduction des pertes et du gaspillage. Nos actions collectives et individuelles ont du poids !

Conclusion

L’amélioration de notre consommation d’eau doit passer par une meilleure gestion et une meilleure utilisation du réseau d’eau potable. Des chercheurs se sont penchés sur l’alternative de l’eau embouteillée comme moyen pour réduire le gaspillage et la consommation. Si la mesure semble réduire en partie la consommation et le gaspillage de l’eau potable, la quantité de déchets générés est énorme : dans une petite municipalité, on pourrait voir une augmentation de 40% des déchets générés. Par conséquent, la solution ne peut se passer d’un réseau collectif d’eau potable. C’est grâce à une vision d’avenir de la gestion du réseau d’eau potable à Montréal que nous pouvons réduire notre consommation et les gaspillages.

Du côté de la Ville, nous verrons une continuation des travaux d’entretien et de remplacement des conduites d’eau, car nous comme encore au rattrapage pour ces installations. Les entreprises sont, quant à elles, de plus en plus conscientes de leur rôle dans le développement durable. Les initiatives privées, mais aussi un leadership des pouvoirs publics en matière de réglementation doivent continuer. Individuellement, nous pouvons changer plusieurs de nos habitudes et adopter des installations plus écologiques en matière de consommation d’eau. La sensibilisation et le travail des acteurs de l’eau potable – Ville-Centre, arrondissements, éco-quartiers, etc. – seront primordiaux dans ces changements à venir.